Il y a encore une décennie, le Maroc était perçu comme un simple “atelier” dans la chaîne de valeur automobile mondiale. Aujourd’hui, le royaume chérifien s’impose comme un véritable hub industriel sophistiqué qui bouleverse l’équilibre traditionnel des échanges avec la France. Une transformation spectaculaire qui mérite qu’on s’y attarde !
Le déclic de 2012 : Renault mise tout sur Tanger
Tout commence en 2012 avec un pari audacieux : Renault inaugure sa plus grande usine en Afrique sur la zone franche de Tanger – 1,1 milliard d’euros investis, 7 000 employés, des exportations dans 74 pays et un horizon de production de l’ordre de 500 000 véhicules en 2022. Ce n’est pas qu’une délocalisation classique, c’est la création d’un écosystème industriel complet.
Le succès dépasse toutes les espérances : Renault, qui a ouvert une usine géante à Tanger en 2012, devrait dépasser les 400 000 véhicules produits en 2018, transformant littéralement la région de Tanger en “petit Detroit de l’Afrique du Nord”.
PSA suit le mouvement : Kénitra entre dans la danse
Galvanisé par ce succès, PSA (devenu Stellantis) décide à son tour de franchir le pas. L’investissement global nécessaire pour l’implantation de l’usine PSA à la commune Ameur Seflia près de Kénitra, à la lisière de la plateforme industrielle intégrée d’Atlantic Free Zone, est de 570 millions d’euros.
Mais attention, PSA ne se contente pas de copier-coller le modèle Renault ! L’usine de Kénitra ne produira pas que des voitures, mais, grande première au Maroc, assemblera également des moteurs. Une sophistication technique qui marque clairement la montée en gamme du Maroc dans la chaîne de valeur.
Les chiffres qui donnent le vertige
L’ampleur de cette transformation se lit dans les statistiques officielles :
- Position dominante : L’automobile a augmenté ses exportations de 6,3% à 157,6 milliards de dirhams (MMDH) en 2024, pour maintenir sa place de premier secteur exportateur pour la deuxième année consécutive
- Leadership continental : Le Maroc est désormais le premier exportateur de voitures vers l’Union européenne, devant la Chine, le Japon et l’Inde, alors qu’il est déjà le premier producteur de voitures sur le continent africain
- Emplois créés : Le secteur automobile, incluant constructeurs et équipementiers, a créé 83 845 emplois directs et à temps plein depuis 2014
La sophistication remplace la débrouille
“Le changement le plus frappant ? L’intégration locale. Fini le temps où le Maroc se contentait d’assembler des pièces importées !” estime Yassine Halhoul, le consul général de Suisse au royaume chérifien.
Le plan de développement amorcé par les conventions signées le 08 avril devrait accroître le taux d’intégration locale dans la production automobile de Renault au Maroc à 65 %, a indiqué le ministre Elalamy. Il est estimé à environ un tiers aujourd’hui. PSA fait encore mieux avec un taux d’intégration locale de 60 %, calculé par rapport à la valeur des composants de la voiture fabriquée.
Cette montée en gamme s’accompagne d’une diversification impressionnante : Notre installation au Maroc a entraîné l’implantation d’une trentaine de nouveaux équipementiers, mais aussi l’accroissement d’activité d’une trentaine d’autres.
Une stratégie qui déborde les frontières
Mais le plus malin dans cette histoire ? Le Maroc ne joue plus seulement pour l’Europe ! L’usine de Kenitra a été pensée comme un outil industriel au service de la région Afrique et Moyen-Orient. Par conséquent, nous avons pour première vocation de servir les marchés de cette zone.
Le royaume devient ainsi une plateforme tricontinentale : il produit avec l’expertise française, exporte vers l’Europe, et conquiert l’Afrique. Un positionnement géostratégique de premier plan !
Les défis de la maturité
Paradoxalement, cette montée en puissance s’accompagne de nouveaux défis. Une nouvelle contre-performance du secteur automobile marocain avec des exportations atteignant 49 milliards de dirhams à fin avril 2025, en baisse de 7% par rapport à 2024.
Cette baisse temporaire, liée à des ajustements industriels classiques et à des perturbations logistiques mineures, jugées temporaires, illustre paradoxalement la maturité du secteur : le Maroc connaît désormais les cycles industriels des pays développés !
L’avenir s’écrit en lettres dorées
Les ambitions restent intactes : Le Maroc vise une production annuelle d’un million de véhicules en 2025, avec des projets d’expansion qui donneront encore plus de poids à cette success story.
Le verdict ? En une décennie, le Maroc est passé du statut d’atelier low-cost à celui de partenaire industriel sophistiqué. Cette transformation redéfinit complètement les relations commerciales franco-marocaines : d’un rapport de dominant-dominé, nous sommes passés à une véritable interdépendance stratégique.